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Libération
Critique

Gerry

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TPS Cinéculte, 22h10
publié le 30 novembre 2005 à 4h43

S'il existe des films fatals qui brûlent le regard, Gerry en fait partie. Tourné avant l'Elephant palmé et Last Days, Gerry est le premier volet de cette trilogie par laquelle Gus Van Sant redécouvrait les vertus de la durée, de la répétition et du dépouillement au cinéma, pour une expérience inédite d'approche de la mort. Comment, sur des prétextes aussi éloignés qu'une randonnée pédestre, une fusillade dans un lycée et les derniers jours d'une rock star, il explore la même zone d'épouvante et de beauté fantastique qui précède l'irrémédiable. Une voiture file sur une route droite au milieu d'une nature immense et désertique, image quintessente de la mythologie américaine pour tout spectateur. Deux individus, encore des garçons, pas tout à fait des hommes, garent leur caisse et vont crapahuter une heure ou deux, histoire de prendre l'air. Ils se perdent. Eperdus et silencieux dans un paysage minéral tellement pur et stylisé qu'on croirait un décor de cinéma, ils marchent d'une colline à l'autre, chacune constituant l'espoir de ce qu'elle cache et ainsi de suite. Avec peu de script et beaucoup d'espace, Gus Van Sant filme l'infini, aux confins d'une horreur sublime. Le projet tient dans l'inscription de ces deux corps (plans à tomber par terre) dans une nature suffocante d'inhospitalité, revisitant les postulats du western, retournant aux origines, lorsque les seuls spectacles étaient la fuite des nuages dans un ciel démoniaque ou la ligne des cimes à perte de vue. L'absurdit