On se souvient de cette pièce de théâtre de Stanislas Nordey créée à partir de Vole, mon dragon, d'Hervé Guibert, qui durait sept ou huit heures. A la fin de la nuit, alors que le spectateur ressemblait à une bouillie céleste au fond de son siège, le texte soudainement lu d'une traite passait directement dans les veines, devenant expérience physique autant qu'intellectuelle. Ce film aussi se rassemble en vu d'une mission identique : faire entendre le Lamento della ninfa, de Monteverdi, chanté par Claire LeFilliâtre, chanteuse baroque et désormais inoubliable pour le commun des mortels ayant par hasard croisé, comme on le dirait d'un bateau en mer, sur le Pont des Arts, d'Eugène Green. Le film, qui trouve ses marques esthétiques entre Bresson et Biette et a beaucoup à dire (l'art dévoyé par la culture qui est instrument de domination et d'aliénation, la bêtise suffisante des élites culturelles parisiennes), brûle surtout du feu de sa croyance dans la dimension salvatrice de l'art. Pascal (Adrien Michaux), étudiant peu intéressé par l'accumulation du savoir, renonce à sa tentative de suicide en entendant sur disque le chant de Sarah (Natacha Régnier). Il est littéralement sauvé par la musique baroque. Comme Garrel avec les Amants réguliers (même solennité et même volonté compensatrice de légèreté ; ici les compositions satiriques de deux tyranneaux du théâtre et de la scène musicale, joués par Olivier Gourmet et Denis Podalydès), Eugène Green revisite moins une période histori
Critique
Le Pont des Arts.
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par Isabelle POTEL
publié le 1er décembre 2005 à 4h45
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