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Libération

Sartre, l'âge des fictions

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De la guerre d'Algérie au refus du prix Nobel, minisérie sur le philosophe engagé.
publié le 8 décembre 2005 à 4h52

Studios de la SFP, Bry-sur-Marne, par un jour ensoleillé d'octobre. Sartre est au maquillage. Odile s'applique à vieillir Denis Podalydès. Alourdir le bas du visage, agrandir la lèvre inférieure, changer la forme des sourcils, peaufiner le teint cireux. Sans oublier de jaunir ses doigts, pour rendre compte des Boyard fumées. La pose de l'oeil de verre se révèle délicate. Il faut près de dix minutes pour que l'acteur retrouve le strabisme du philosophe-écrivain. «La prothèse oculaire est contraignante, explique la maquilleuse, il ne peut pas la porter plus d'une heure et demie.» Une heure et quart plus tard, veste d'intérieur, cravate rouge et perruque comprises, Sartre-Podalydès est fin prêt.

Sur le plateau B4, les machinos s'agitent. Intérieur jour. Nous voilà chez Sartre, dans le décor de son studio du boulevard Raspail. Il est assis à sa table de travail, encombrée de papiers et de livres. A ses pieds, une pile d'exemplaires des Mots. Nous sommes donc en janvier 1964. Un peu plus loin, assise à son bureau, Anne Alvaro (le Goût des autres, la Chose publique) porte avec distinction et hauteur le turban de Simone de Beauvoir. «Silence sur le plateau !» Le téléphone sonne. Une voix féminine apprend à Sartre que l'on parle des Mots à la radio. Il raccroche, allume le poste. L'ingénieur du son lance un document d'archives. «Denis-Jean-Paul» trie quelques papiers et offre à la caméra un visage impassible. «Anne-Simone» écoute en silence, le stylo levé, elle aussi indifférente, se