C'est toujours un choc de voir un film de Marcel L'Herbier postérieur à l'avènement du cinéma parlant si on a encore en tête le souffle épique de l'Homme du large (1920), les effets stylistiques frénétiques (une «symphonie machiniste», dit-on en langage cinéphile) de l'Inhumaine (1924) ou les splendeurs formelles de l'Argent (1929), considéré comme l'un des plus beaux chants du cygne du muet. Les recherches esthétiques de L'Herbier, qui l'associèrent à des précurseurs du langage cinématographique comme Dulac et Epstein, auraient pu survivre à la disparition du silence. Mais le cinéma bourgeois triomphe à la fin des années 20 sous la forme du théâtre filmé, les avant-gardes n'ont plus qu'à aller se faire voir, et L'Herbier se rallie, pour pouvoir continuer à tourner, ce qu'il fera avec prodigalité (presque une quarantaine de films), allant jusqu'à travailler pour la télévision, qu'il avait d'ailleurs inventée dans l'Inhumaine. L'Aventurier (1934) a beau être un film pépère, il est émouvant : L'Herbier s'en prend aux bourgeois, à la lâcheté, à la mesquinerie et à la petitesse bourgeoise qui asphyxient tout, il sait sans doute de quoi il parle, il sait de quels renoncements sont faits ses films, désormais. L'Herbier reproche surtout à la bourgeoisie de n'aimer pas jouer, d'être rétive à toute expérimentation, par peur. Après des aventures coloniales qui l'ont rendu riche, Etienne Ranson rentre en France, avec dans l'idée de revoir une jeune cousine qui lui plaisait bien dans le
Critique
L'Aventurier
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par Isabelle POTEL
publié le 20 janvier 2006 à 20h07
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