J'ai découvert les images brûlantes de Je, tu, il, elle à Digne, en 1974. Chantal Akerman venait de le terminer. Je connaissais déjà son mélange original de féminisme folk, d'expérimentation à la Michael Snow et d'émotion bricolée à la Charlot, mais je n'étais pas préparé à ça. Dès que j'ai vu les premières images, j'ai su que c'était un film important. Trente ans plus tard, la force du film qu'il soit connu ou pas est de peu d'importance se confirme. C'est un film tellement osé, tellement frontal, tellement singulier, qu'il n'a pas été suivi d'autres films qui se seraient coltinés frontalement au même sujet, l'amour entre deux femmes. Je ne m'intéresse pas spécialement à la vogue du cinéma pédé et lesbien, plutôt à ce qui fait coïncider des amours hors normes avec un amour au moins aussi singulier du cinéma. Cette double passion ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval. Je ne me suis jamais intéressé à l'Homme blessé, pas plus qu'aux autres Chéreau, encore plus médiocres, et je n'ai pas la moindre envie de voir le Secret de Brokeback Mountain, dont les extraits télé, avec leur lot d'images postwendersiennes, me décourageraient à l'avance si j'avais décidé de m'y risquer.
On pouvait voir aux Rencontres de Digne, l'antifestival de Pierre Queyrel, des inédits de Dwoskin, Moullet, Stavros Tornes. C'était le lieu où ce qui demeurait brûlant de «cinéma» dans le cinéma se réfugiait. Je, tu, il, elle fait partie de ces films brûlots, comme Deux Fois de Jackie Raynal ou la Pier