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Libération

Les captives

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publié le 22 février 2006 à 20h24

Nous sommes derrière les murs de la prison de Rahova, dans la banlieue de Bucarest, Roumanie. Miradors, chiens errants, sacs pendus aux fenêtres, bras passés au travers des barreaux, cris, rires, rumeurs, chocs sourds, près de deux mille détenus vivent ici, dont trois cents femmes. Nous entrons dans l'une de leur cellule (1).

Elles sont nombreuses. Peut-être dix ou quinze, ou plus. Des lits superposés occupent tout l'espace. En haut, réfugiée sous un drap, une vieille dame arrange son voile. Une autre prisonnière partage sa couche. Et une autre encore, plus jeune, couchée sur le côté et la tête dans la main. Trois femmes sont assises sur le matelas d'à côté. Et trois encore, en bas, sur le sol, au milieu des tasses à thé. Les serviettes pendent, les couvertures, les draps. Les captives, entassées sur les sommiers dessous, semblent des réfugiées dans un camp de tentes. Nous croisons le regard seul et vague d'une femme en noir. Une autre se recoiffe, amassant ses cheveux en chignon. «Gracea est là ?» demande une prisonnière. C'est l'heure du courrier. Par une meurtrière dans la porte, une main tend une lettre. «Sandu ?» «Doucea ?» Les filles s'approchent. Survêtements, pyjamas, robes gitanes, cigarettes. Une jeune attend pour rien, adossée contre le mur. Elle prend une enveloppe au hasard, et la sent. «Moi, je n'ai pas de nouvelles», dit-elle. «C'est difficile quand personne ne vient te voir. Moi, je me contenterai même d'une petite lettre. Ce n'est pas rien, quand on t'appelle