Le cinéaste Mathieu Amalric raconte de jolies choses, des choses qui le concernent de près, à l'aide d'une caméra patiente, archaïque, souvent démodée. Il y a vingt ans, quand on faisait davantage de films de cinéma sans guillemets, on aurait volontiers parlé de «mise en scène», un mot qu'on abandonne maintenant trop souvent au théâtre et aux théâtreux. La «mise en scène», quelle expression élégante, sereine, joyeuse. Répéter ici, même si ça ne se fait plus, même si ça déplaît, que l'essence du cinéma n'est ni la littérature, comme le croyait naïvement le jeune Godard, ni la peinture, comme l'a toujours déclaré Bresson, ni la musique du vieux Mozart, comme affiche de le croire le vieux Godard, casque collé sur les oreilles. L'essence du cinéma, c'est évidemment le théâtre. Le jeune Amalric, comme Cocteau, comme Guitry, comme Biette, fait du cinéma de toute beauté, autrement dit du théâtre filmé.
Par rapport à Biette, son maître en cinéma, Amalric est comme l'objet en trop, celui qui peine à s'inventer sa propre route, aussi étrange et peu pratiquée que celle de Biette, mais qui y parvient quand même. Lentement mais sûrement, il y parvient. Il est l'objet «a» de Biette, l'endroit par où sortir, l'endroit perdu. Ces gens-là, Biette, Amalric, Rivette, Rohmer, voient des films tout jeunes. Ils s'en souviennent au détail près. C'est fou comme ils s'en souviennent. Pas moi. J'ai tout oublié des films que j'ai vus, les premiers comme les derniers. Je n'en connais ni les titres, ni l