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Libération
Critique

Le Désert rouge.

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CINECINEMA CLASSIC, 20 h 45.
publié le 27 mars 2006 à 20h44

Je n'ai jamais aimé Antonioni. Trop d'anthropophagie fictionnelle, d'anorexie, d'effets postcinéma. Trop de flou, trop de rien. Pas assez de tout, à supposer que tout s'écrive avec des minuscules. Trop de Tout (l'absence de Dieu, le hors-champ), et pas assez de cinéma sans guillemets. Vous me trouvez trop vague, trop abstrait, pour un début de semaine ? Comment parler d'un homme qui s'appelle Michelangelo sans y mettre des bruissements d'ailes ? Vous n'êtes pas d'accord. Vous dites qu'il y a aussi Monica Vitti. Qu'elle est belle comme un papillon de jour, mystérieuse comme un papillon de nuit. Moi aussi, j'aime Monica Vitti. Quand elle me regarde, sa vague blondeur, sa voix voluptueuse, sa sensualité vénitienne, me rendent tout chose.

Pourquoi ne pas aimer Antonioni, alors ? Pourquoi ne pas aimer le Désert rouge ? Ce n'est pas tant le sujet (angoisse urbaine, dépression, ennui) qui m'embête, mais plutôt l'utilisation du décor (la banlieue industrielle de Ravenne), et l'idée gamine, l'idée-gadget, qui consiste à le repeindre de couleurs «subjectives» pour mieux exprimer le désarroi. Cet expressionnisme poétique passait mieux en noir et blanc, dans les premiers Antonioni, Femmes entre elles (1955), le Cri (1957), ou même l'Avventura (1960). Italianiser Richard Harris n'ajoute rien à la lourdeur existentielle du projet. Le Désert rouge est aussi à l'origine d'une de mes rares blessures cinéphiles. J'avais 20 ans, j'avais décidé de le présenter dans un ciné-club avant de l'avoir