Sur l'écran, il y a le visage d'un homme. Il parle : «Personne ne me dira qu'il va à la guerre et qu'il n'a pas peur. Il vient, il va tuer et les autres ne vont pas le tuer non, c'est pas vrai. Il faut dire ça. J'ai eu peur... Mais je devais donner l'exemple parce que j'avais trop lu Corneille...» Il se penche, saisit un livre, vieil exemplaire d'Horace, le montre à la caméra : «J'avais trop lu Corneille. Horace.» Sur ses joues, des larmes coulent. Barthélemy Pineau, dit «Chancelier», est né le 28 août 1922, à Capesterre. Il est noir. Il est français. Il a été «dissident», autrement dit un résistant des Antilles. Avant que cette mémoire vivante ne meure, Euzhan Palcy a voulu filmer ces hommes et ces femmes qui, comme Guy Cornély, ne voyaient pas d'autre solution que de répondre «toujours présent(s) quand la nation» lançait «un appel au secours».
En 1940, ce sont des gamins de 20 ans qui vivent dans ces lointaines colonies. Pour eux, ils sont au coeur de la France : «Je ne pouvais pas accepter la défaite de la France, ajoute Michel Dracius, c'était une catastrophe extraordinaire que l'armée française ait été vaincue en si peu de temps et qu'il n'y ait pas eu de réaction de l'armée et de la population.» Des gamins de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique qui, dès les pleins pouvoirs donnés au maréchal Pétain, vivent sous le régime de l'amiral Robert, haut commissaire aux Antilles. Chasse à tous ceux qui contestent la légitimité du gouvernement de Vichy. Chasse à ces enfants, ces