Un film de Hawks avec Gary Cooper ne ressemble pas à un film de Hawks avec Cary Grant ou John Wayne. Ils n'étaient d'ailleurs pas faits l'un pour l'autre. Sécheresse aventureuse de Hawks, beauté ambiguë de Gary Cooper, plus à l'aise avec Hathaway (sept films) ou DeMille (quatre films), de vrais entrepreneurs de spectacles qui ne l'utilisaient que pour son glamour de star, ou même avec Walsh, qui en un seul film, les Aventures du capitaine Wyatt, réussit à bouleverser de fond en comble leurs deux filmographies. Avec Hawks, qui fit quand même trois fois avec lui (les deux autres sont de peu d'importance), il y a quelque chose comme un clash, un trop grand contraste, une fusion impossible entre la glace (Hawks) et le feu (Gary Cooper). Sergent York brille comme un soleil noir dans l'histoire du cinéma américain, mais c'est un film de circonstance, tourné par les deux hommes pour venir au secours de leur vieil ami, Jesse Lasky, qui en sera le producteur aux côtés de Hal Wallis et de Hawks lui-même.
Comme le souligne Lourcelles, «Sergent York est l'une des très rares oeuvres de Hawks à présenter un personnage complètement primitif et c'est aussi l'un de ses rares films où le mélange des genres n'intervient pas directement». Quinze ans avant la Loi du Seigneur, grand succès public et palme d'or en 1957, Gary Cooper se coltine un personnage qui lui ressemble comme un frère, pas vraiment le quaker du film de Wyler, mais un illuminé, un vrai chrétien, qui passe du statut d'objecteur d