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Libération
Critique

Evenks et vaincus

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publié le 17 avril 2006 à 20h57

Petr Vaclav est né en Tchécoslovaquie du temps d'avant la chute du mur de Berlin, ce qui ne rendit que peu de monde béatement heureux. Petr Vaclav réalise des films et des documentaires. Bonne chose pour un cinéaste, il a ce que l'on appelle un regard.

L'automne dernier, il s'en est allé, à la demande de Kolam, petite et noble maison de production française, poser sa caméra en Bouriatie, aux confins de la Sibérie.

Les Français ignorent où est la Bouriatie. Pas Petr Vaclav, sujet tchèque rappelons-le. Il sait, depuis son enfance, qu'en Bouriatie vit un peuple jadis nomade, les Evenks. Comme il le dit, d'une voix basse, les Evenks, c'était un peu comme, pour l'enfant d'Europe occidentale, «les Indiens du Far West». Symbole d'un ailleurs auquel les mouflets rêvent et qu'adultes ils s'empressent d'oublier. Les Evenks élevaient des rennes, vivaient dans des yourtes, nomadisaient à l'extrême sur des terres en général gelées. C'était avant 1932, comme le raconte dans le film un vieillard édenté et tanné. Avant Staline et la sédentarisation forcée du peuple, leur intégration à la glorieuse URSS.

Les enfants furent placés dans des internats, on les habilla de belles chemisettes, on leur vola leur mémoire, ils apprirent le russe, que leurs parents illettrés comprenaient à peine. Pour les faire tenir en place, le pouvoir stalinien fit ce que tous les pouvoirs font : il ouvrit les vannes du bien boire et du bien manger. Résultat des courses, tel que le filme Petr Vaclav, les Evenks sont mo