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Libération
Critique

Patron révolutionnaire

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publié le 2 mai 2006 à 21h06

On connaît les chaises, les meubles, on connaît moins les idées sociales de Jean Prouvé. Par la grâce d'un documentaire un peu brouillon, plein de charme, au titre provocateur, elles nous reviennent. Dans les années 30, Jean Prouvé, fils d'artiste, apprenti dès son jeune âge, membre de l'école de Nancy, créé ses ateliers. Il va en faire un laboratoire, non seulement de l'architecture et du design modernes, mais du travail. Son slogan, «Le besoin créé la forme», ne s'applique pas uniquement aux objets, mais aux règles sociales. Avant les congés payés de 1936, il accorde une semaine de vacances à ses ouvriers. Le lundi matin, comme le rappelle un ancien des ateliers, ils commençaient à 8 heures et non 7 heures, parce qu'il pensait bien qu'ils s'étaient amusés le dimanche.

Côté paye, c'est pas mal : «Nous étions payés à l'heure avec les heures majorées, c'est-à-dire qu'au-delà de quarante heures, nous étions payés à 25 % et qu'au-delà de quarante-huit heures, à 50 %.» Et cela arrivait, car le travail ne manque pas : «Quatre-vingt-dix heures par semaine, et des fois cent, jour et nuit. Alors, évidemment, les payes étaient en conséquence. Là, on pouvait rouler en voiture», témoigne un ancien. Patron social, Jean Prouvé l'a été, et n'hésitait pas à citer Fourier («C'est la passion qui crée le travail»). En 1936, les ouvriers feront une grève symbolique, continuant à travailler. En soutien aux autres grévistes, chacun reverse une heure quotidienne de son salaire.

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