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Libération
Critique

L'équation tragique de Wolfgang Doblin

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publié le 26 juin 2006 à 21h34

C'est une histoire folle, puissante, où les mouvements du hasard sont en première ligne. L'histoire d'un enfant de l'Europe de l'entre-deux-guerres. L'histoire aussi d'un exilé accueilli par la France. La tragédie d'un fils d'immigrés juifs, naturalisé en 1936. Et l'histoire d'un travail précurseur en maths, sur l'équation de Kolmogorov, qui annonçait quarante ans de recherches autour des probabilités, signé par le soldat Doblin en 1940.

Wolfgang Döblin naquit en Allemagne en mars 1915. Il est le fils de l'écrivain Alfred Döblin, l'auteur de Berlin Alexanderplatz. Wolfgang, élève brillant, affirme à 14 ans : «Je ne veux pas être croyant, mais je veux douter.» Le lendemain de l'incendie du Reichstag, son père quitte l'Allemagne. Après une brève errance, la famille trouve refuge à Paris. C'est la France des années 30, violente, antisémite, mais où l'école de mathématiques est prête à reconnaître les richesses venues d'ailleurs. Il passe sa thèse à 23 ans. L'Europe marche vers la guerre. Le soldat de 2e classe Doblin gagne son régiment, le 91e RI, à Givet, dans les Ardennes. C'est là, en quelques mois, qu'il va écrire son ultime travail. «Il tente de modéliser les suites d'évolution aléatoires dans lesquelles les pronostics sur les évolutions futures ne dépendent plus d'informations sur le passé mais du seul présent, d'où leur appellation "mouvements sans mémoire".» En février 1940, il envoie le résultat de ses recherches sous pli cacheté à l'Académie des sciences. En juin, il s