Les opus du Géorgien Otar Iosseliani ont toujours eu un côté Hergé-château de Moulinsart, cinéma dessiné à la main. Le mot d'«artisanat», usé par la critique, revit chez lui. Moins par modestie que par virtuosité permanente, au-delà du manque évident de temps et de son corollaire, les moyens («l'argent russe», qui n'arrive jamais). Virtuosité aussi du cinéaste en vieux brigand pour faire semblant de ne rien comprendre quand la situation ne l'arrange pas, quand sa productrice Martine Marignac essaie de lui expliquer que la scène coûte un fric fou et que de fric, ils n'ont pas. Dandysme de Iosseliani : le dandy est celui qui, le jour de la saisie des meubles, ira s'acheter sa plus belle chemise et la paiera comptant. Tout son cinéma est tourné comme ça.
Préparant Jardins en automne, son dernier film dans les salles depuis mercredi (Libération du 6 septembre), Iosseliani confesse à Julie Bertuccelli qui lui consacre ce beau Cinéma de notre temps ne pas aimer les tournages, un peu le montage mais sans plus (moins il fait de collure, plus il se sent content), détester le moment de la projection et ne prendre finalement son envol tatiesque que lors du mixage. Au-delà de ça, tout ici peut servir de leçon : vous voulez savoir comment convaincre un grand acteur (Michel Piccoli en l'occurrence) de jouer le rôle d'une vieille dame ? Vous aimeriez avoir le secret d'un plan séquence de six minutes avec des mouvements de caméra insensés dans une entreprise d