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Libération

Entre deux rives et deux vies

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publié le 5 avril 2007 à 7h02

Qui sont ces passagers en transit entre la France et l'Algérie sur le ferry Ile de Beauté ? Des Français ? Des Algériens ? Les deux ? Descendante de cinq générations de pieds-noirs, la documentariste Elisabeth Leuvrey les a écoutés le temps d'une traversée. Le résultat est drôle, émouvant, instructif.

Mais de quoi parlent ces voyageurs ? De leur relation compliquée avec chacun des deux pays. «Les Algériens aiment la France, mais je ne sais pas si les Français aiment les Algériens», dit un homme. «Moi, je n'ai aucun goût pour la France, quand je monte en France, c'est comme si j'allais en enfer», dit un autre. A propos de l'Algérie aussi, les avis sont partagés. «J'en ai marre de l'Algérie, c'est le pays des jaloux», dit une gamine. «Dans les mariages, ils me disent : immigrée, viens ici...», lui répond sa copine.

Entre deux discussions, la caméra explore le bateau. Des hommes prient dans un couloir. Des gens dorment par terre, enroulés dans un drapeau algérien. Des jeunes dansent sur du raï. Un passager se confie, longuement : «Demain, je sais que je vais être au bled, et ce bled, je ne le connais pas. Je me fais croire que je retourne chez moi, mais je ne retourne pas chez moi, parce que je sais que ça n'est plus chez moi.» L'homme a l'accent du sud-ouest de la France. Son angoisse : «De quel côté des deux rives je vais être enterré ?» Célibataire, sans enfants, il ne vit pas «décemment», selon les commandements de l'isl