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TRIBUNE

Téléphobie :une idéologie triste

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par Gilles Achache, Chercheur associé au Médialab de Sciences-Po Paris, directeur de l'Institut Scan-Research
publié le 31 mars 2010 à 0h00

Cette année, le marronnier des ravages des médias électroniques sur l'esprit public a donné une belle floraison. Le bimensuel Books a ouvert la saison en posant la question de savoir si «Internet [est] contre la démocratie ?». Il a été suivi par le battage autour du documentaire de Christophe Nick et Michel Eltchaninoff diffusé sur France 2, le Jeu de la mort, pendant que Philosophie magazine se demandait avec angoisse si «la télévision nous rend […] mauvais» et Télérama si elle «donne le droit de tuer». Est-il besoin de préciser qu'à ces questions, la réponse fut à chaque fois positive. Les médias et la télévision, nous a-t-on ainsi serinés, sont une mauvaise chose qui abâtardit le goût, banalise le crime, naufrage l'esprit, réduit nos consciences à l'état de légume et nous tient en un pouvoir si contraignant qu'il peut nous transformer en parfaits salauds et tortionnaires. La dénonciation n'est pas nouvelle. La téléphobie est aujourd'hui une notion commune des conversations de comptoir, en même temps qu'un genre littéraire déjà ancien dans lequel se sont illustrés des auteurs aussi divers qu'Alain Finkielkraut, Neil Postman, Ségolène Royal, ou plus récemment le très prolifique Bernard Stiegler.

Cette thèse de la nocivité des médias et de la télévision présente cette particularité d’être à la fois fausse et dotée d’une force persuasive considérable. Elle constitue un assez bon échantillon de ce que l’on désignait