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Libération
TRIBUNE

L’Histoire saisie par le film documentaire

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par Annette WIEVIORKA, Historienne
publié le 2 septembre 2010 à 0h00

A n’en point douter, la rentrée littéraire fournira son lot de polémiques sur les rapports entre littérature et histoire, vérité littéraire et vérité historique. Le documentaire de création ne bénéficie pas d’autant d’attention, surtout chez les historiens. Et c’est bien dommage. Une semaine passée aux Etats généraux du film documentaire de Lussas à voir des films venus du monde entier, à les commenter sans fin aux terrasses qui bordent la seule rue de ce village ardéchois de 1 000 habitants, rue que l’on descend, puis remonte sans cesse, offre une plongée saisissante dans toutes les questions qui agitent nos sociétés et dans toutes les problématiques qui sont au cœur des réflexions des historiens.

Car le documentaire a à voir avec la trace, le réel, le récit. Il est au cœur de l'ère du témoin et fait entendre la parole d'hommes et de femmes qui sont toujours des survivants. Il offre parfois une nouvelle déclinaison de la constitution d'archives orales. Ainsi, les fragments du projet documentaire de Stefano Savona, l'Orange et l'Huile. Cent paysans siciliens, certains presque centenaires, disent la faim, le jour où enfin ils furent rassasiés, et la façon dont la grande histoire - le fascisme pendant lequel ils grandirent, l'arrivée des Américains en 1943, le socialisme et le communisme - joua dans leur vie. C'est encore la bouleversante Fengming, histoire d'une femme chinoise de Wang Bing. La Chine d'aujourd'hui se construit sur l'effacement de l'histoire de