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Libé des philosophes

Le Téléthon, un don du fiel

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Humanitaire. L’espace médiatique accordé au grand raout contre les myopathies suscite légitimement la critique. Encore faut-il que cette dernière évite le cynisme facile.
publié le 2 décembre 2010 à 0h00

Le coup d'envoi du Téléthon 2010 sera donné sur France Télévisions demain à 18 h 45. Depuis 1987, l'AFM (Association française contre les myopathies) organise cet événement télévisuel. L'an dernier, les propos de l'homme d'affaires Pierre Bergé ont commencé à fissurer le consensus compassionnel qui entourait cette initiative. Selon lui, le Téléthon «parasite la générosité des Français» et ferait de l'ombre à d'autres initiatives médiatico-humanitaires, comme le Sidaction, qu'il préside.

Le Téléthon nous invite ainsi, par-delà notre propre sensiblerie, à la distanciation vis-à-vis des dispositifs télé-humanitaires, mais également, afin de résister à nos pulsions sarcastiques, vis-à-vis des dénonciations qu’ils suscitent. Dans le brouillage «postmoderne» des repères, la critique sociale doit pouvoir être réassurée, à la manière des alpinistes, à rebrousse-poil de certaines évidences acritiques comme critiques.

«Rareté». Dans son ouvrage la Souffrance à distance. Morale humanitaire, médias et politique (Gallimard), le sociologue Luc Boltanski a pointé «la rareté de l'espace des médias qui ne peut être occupé en même temps par la représentation de toutes les souffrances». Comment alors sélectionner les malheurs exposés médiatiquement ? Question trop facilement évacuée par les «belles âmes» consensuelles, mais question pragmatique. Le débat apparaît pleinement justifié dans une démocratie interpellée par une variété de causes revendiquant