«Nous n'allons pas accepter qu'un groupe qui dégage de gros bénéfices accélère son démantèlement à cause de la mauvaise gestion de ses dirigeants. Non aux 2 514 mises à la porte !» Les paroles de Toni Ferrer, leader de l'Union générale des travailleurs (UGT) sont saluées par les applaudissements et les coups de sifflet d'une centaine de salariés. La scène se passe samedi, sur la Gran Via madrilène, à deux pas du siège de Prisa, le plus gros groupe de communication au monde en langue espagnole. Le quotidien El País en est la vitrine la plus prestigieuse, au côté d'une vingtaine d'autres fleurons - la version espagnole de Canal +, la radio SER, ou les Editions Santillana. On croit rêver : voici que ce puissant groupe, symbole de l'Espagne progressiste depuis la fin du franquisme, étendard de la gauche sociale-démocrate, est hué en pleine rue par une bonne partie de ses salariés. Ils l'accusent de s'être «vendu au grand capital ».
Voilà le paradoxe que met en évidence la marche de ces journalistes, longtemps fiers d'appartenir aux médias les plus influents du pays : la direction de Prisa a annoncé, la semaine dernière, une saignée dans leurs rangs, alors même que le holding résiste plutôt bien à la terrible crise espagnole ; en 2010, le groupe a dégagé 120 millions d'euros. Malgré une légère érosion de son lectorat, El País caracole toujours en tête ; même leadership pour la radio SER et ses 4,7 millions d'auditeurs ; quant aux Editions Santi