Lundi dernier, aux petites heures de l’aube, l’Europe apprit une nouvelle bouleversante : Oussama ben Laden venait de tomber sous les balles américaines. Il fallait désormais envisager de vivre sans la peur. La peur des attentats, la peur de l’influence exercée par Al-Qaeda sur les «jeunes des banlieues» qui viendraient un jour égorger les habitants des centre-villes, la peur du choc des civilisations, en un mot, toute cette jungle de peurs familières qui nous accompagnaient depuis dix ans venaient de s’effondrer brutalement.
Restaient évidemment quelques peurs annexes : la peur de vieillir, la peur de mourir, la peur de ne pas trouver de place sur le parking de l’hypermarché le samedi matin, la peur du réchauffement climatique étaient des peurs tout à fait respectables. Mais la figure majuscule de la peur, au nom de laquelle les gouvernements, depuis dix ans, maintenaient états d’urgence, régimes d’exception, et plans Vigipirate, la peur constitutive de la cohésion sociale venait de tomber sous les balles américaines.
Les plus désemparés furent ceux des responsables politiques qui, en dix ans, avaient acquis une telle maîtrise de l’orchestration de la peur que leur carrière était solidement assise sur ce thème-là. Ministres de l’Intérieur répétant rituellement que «le niveau de la menace est élevé», parlementaires et présidents élus pour leur savoir-faire sécuritaire, visiteurs réguliers de commissariats, inspecteurs de brigades canines sous la tour Eiffel, installateurs de d