«Salut, c'est nous, les SDF. Ça va, on sent pas trop le brûlé?» Par petites grappes, un peu paumée, un peu gênée, l'équipe de Charlie Hebdo aborde le 11, rue Béranger. Tout le monde est là : Cabu, Tignous, Willem, Riss, Bernard Maris, Antonio Fischetti, Luz et sa moustache hérissée, Jul et son vélo, Patrick Pelloux et son oreillette de portable vissée à l'esgourde (non, ce n'est pas un RG infiltré), Luce Lapin et dix-huit ans d'archives papier de ses chroniques animalières fourrées dans un sac qu'elle a pu sauver de l'incendie («un pompier est venu avec moi»). Les journalistes de Libération compatissent, ainsi Gérard Lefort : «Il n'y avait pas d'animaux au moins là-bas ? Pas de poisson rouge qui a bouilli ?» Regard d'effroi de Luce Lapin. Entre gens de Charlie qu'on reconnaît grâce à leurs sacs de plage siglés Riad Sattouf, eux aussi sauvés des flammes, on se balance des vannes: «C'est pas Charb qui a fait le coup au moins ?»«Non, surtout qu'il était en vacances.» Charb, le directeur de la publication, entre un Guéant et un rendez-vous au 36, quai des Orfèvres, arrivera plus tard, on commence sans lui.
On a brûlé leur journal. Le Nouvel Obs, Rue 89, Marianne ont également offert l'asile, Charlie a choisi Libération, nananère. C'est au huitième, au Hublot ainsi qu'on appelle la salle où se tient le comité de rédaction chaque matin et qui s'orne d'un maousse, heu