Comment une émission télévisée se place-t-elle, mine de rien, du côté des puissants ? Envoyé Spécial (France 2) suit au plus près les acteurs de la crise de la dette. François Baroin, Bruno Le Maire, Herman Von Rompuy, Nicolas Sarkozy lui-même, sont filmés en bras de chemise, dans leurs voitures, à Bruxelles, à Berlin, suivis dans les couloirs, poursuivis dans les ascenseurs. Des caméras inquisitrices traquent sur leurs visages les tremblements de la fatigue ou de la peur. «Vous avez peur ?» demande la journaliste à Bruno Le Maire, qui avoue sans se faire prier. C'est de la télé vérité, saisissant les puissants sur le fil du rasoir, haletante, intrusive. Rien n'arrêtera nos reporters qu'on est à plusieurs reprises contraints d'éjecter des cellules de crise dans lesquelles ils s'incrustent, ne reculant devant rien pour effectuer leur mission d'information.
Ah tiens, ces expulsions, justement. Mais réfléchissons une seconde : si Sarkozy fait sortir l'équipe de son bureau, pour protéger la confidentialité d'une discussion avec le Premier ministre hollandais, c'est bien que cette même équipe a été, auparavant, autorisée à rentrer, dans le saint des saints, non ? Et si l'Elysée a autorisé les caméras, c'est bien que le pouvoir dans la tourmente trouve un intérêt à offrir à France 2 son meilleur profil de pouvoir dans la tourmente. Dans ce deal, chacun trouve son compte : le pouvoir exhibe à la fois sa transparence et, tout de même, son sens des responsabilités. L