Je ne saurais sous-estimer la part prise par France-Soir à ma formation d'homme. C'est par la une de France-Soir que la mort est entrée dans ma vie, à l'instant où j'ai appris celle de De Gaulle. Je venais de sortir du lycée Buffon et faisais un détour coupable par les autos tamponneuses du métro Sèvres-Lecourbe avant de rentrer déjeuner. Et soudain, comme une grosse araignée sur le journal que lisait un type, ce titre gigantesque qui, de l'autre bout du manège, semblait hideusement sautiller vers nous : «De Gaulle est mort». Il faut réaliser l'impact de la nouvelle. Prendre la mesure du temps nécessaire pour associer deux réalités incompatibles «De Gaulle», et «mort». De Gaulle avait toujours été là. Deux ans plus tôt, en 1968, les murs des Invalides - des Invalides ! - s'étaient couverts d'affichettes de la célèbre silhouette à képi, avec le slogan : «La chienlit, c'est lui !» Un an avant, en 1967, il me semble que France Inter avait interrompu le feuilleton quotidien d'Astérix pour annoncer que non, la dévaluation annoncée par tous les éditocrates de l'époque n'aurait pas lieu. Au dernier moment, le général avait refusé de signer. «Quel culot, quand même !» avait soufflé, bluffée, ma grand-mère, née trois jours après De Gaulle, la même année 1890 (et que je supposais donc liée au grand homme par une mystérieuse mais indéfectible solidarité). France-Soir était cette étrange entité dotée de superpouvoirs, capable de tirer un trai
TRIBUNE
«France-Soir» et le jeu des 7 erreurs
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publié le 9 août 2012 à 19h36
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