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Libération

Intelligence du troisième type

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publié le 23 novembre 2012 à 19h07

Google rend-il stupide ? L'un des bons analystes du Web, le Britannique David Carr, s'était déjà posé cette question il y a cinq ans dans un article retentissant publié dans The Atlantic. Il redoutait qu'à force de s'abandonner à la fascination de l'ordinateur, notre intellect n'en soit «réduit à l'état d'intelligence artificielle». Le linguiste et philosophe italien Raffaele Simone poursuit le fil d'une réflexion qu'il a engagée sur le même thème il y a plus de dix ans.

Né avant la Seconde Guerre, il fut d'abord moqué par «les coryphées de la culture numérique» pour sa «nostalgie générationnelle». Mais l'intrépide a fini par être pris au sérieux, et il revient à la charge dans un ouvrage et après un détour par les neurosciences, pour dire son affolement alors que nous sommes «au milieu d'une tempête culturelle sans égal». Une tempête ? Plutôt une révolution anthropologique, la troisième de l'histoire de l'humanité. Après l'invention de l'écriture, puis celle de l'imprimerie, la diffusion foudroyante du numérique modifie, elle aussi, en profondeur la cognition, la mémoire, l'expérience intérieure et, d'une manière générale, toutes les activités de l'esprit. L'homme numérique est le produit d'une nouvelle mutation. Cette «troisième phase» impose un «nouvel ordre des sens». Avec la naissance de l'écriture, la prédominance de l'œil avait pris le pas sur celle de l'oreille, et ce mouvement était apparu comme un «p