«La grandeur de Tony-Gandolfini, c'était bien sûr la colère. Immense, disproportionnée. La respiration devient halètement et les yeux s'humectent. La vision se brouille, la face vire au flou. Plus de visage, plus rien. Tout est flou. Bienvenue à la télévision. C'est la colère du personnage, toujours plus oppressé par les obligations mafieuses, les calculs à trois bandes, les bisous hypocrites des copains… C'est aussi la colère de l'acteur, personnalité difficile, qui souffrait d'interpréter un héros aussi noir, de sorte que lorsque approcha le soir du 10 juin 2007, date de la diffusion du 86e et dernier épisode des Soprano, il fut le seul de l'équipe à confier non pas une peine, mais un soulagement.
«Cette peine, il est impossible de ne pas la ressentir aujourd’hui, en apprenant la mort, à 51 ans, de cette force de la nature, cette bête fulminant dans une cage minuscule, le petit écran. Mais le soulagement est là aussi, l’impression d’un fait enfin accompli, au moins dans l’ordre du mythe. Ce chien enragé voulait être Gary Cooper. Il rêvait de régner en silence : nourrir les canards, manger de la glace, regarder History Channel. Tony Soprano n’était pas en paix, il ne connaissait pas le repos. Il ne désirait pourtant que cela : reposer, en paix.
«Il y a quinze ans, David Chase, James Gandolfini, Tony Soprano ont sauvé la télévision. Mais ce n’est pas en la relevant, c’est en la condamnant. En la vouant aux gémonies. A l’errance, à l’indignité. A l’absence d