Antibes, 10 mai 2011
En contrebas d’un surplomb rocheux, une femme en maillot de bain noir nage dans les eaux du cap d’Antibes. Personne, parmi le bon millier d’invités qui s’agite cinquante mètres plus haut dans les allées de l’Eden Roc, ne la remarque. Des talkies-walkies crachent des ordres contradictoires. Des bodyguards nerveux, disséminés sous les pins du palace, pressent leur index sur leur oreillette.
Chanel présente son défilé-croisière annuel, happening estival qui recouvre des enjeux économiques colossaux. Le show, réglé sur l'heure du coucher du soleil (19h47, ce jour-là), débute dans quelques minutes. La femme qui faisait ses brasses un peu plus tôt réussit son apparition. «Je ne comprends pas. Pourquoi suis-je la seule à me baigner ? C'est tellement agréable.» Sa chevelure, d'un noir de jais, est enveloppée d'une serviette de bain. Elle porte un peignoir blanc en éponge. Sa peau très pâle, son regard d'un vert amande perçant évoquent la beauté vénéneuse de Gene Tierney.
Lady Amanda Harlech est souvent présentée comme «la muse» de Karl Lagerfeld. Le mot ne lui plaît pas («Karl a bien d'autres femmes que moi qui l'inspirent», précise-t-elle), il est aussi trop flou, trop impressionniste, voire un peu niais pour cette anglaise au caractère bien trempé. «Je fonctionne comme un matériau conducteur», expliquera-t-elle plus tard, en train de se faire vernir les ongles de pieds dans l'immense studio parisien du couturier. L'analogie n'étant pas courante d