«C'était un dix-huit tonnes, pas un semi.» Elle prononce «s'mi», comme les pros du transport routier, alors que depuis quelques saisons elle est un mannequin très en vue, courtisé par les marques, et depuis peu une actrice en devenir.
Dans la dernière pub Yves Saint Laurent, Marine Vacth, 20 ans, chair pâle dans un trench en cuir noir, lèvres épaisses, fait claquer ses stilettos sur le pont Alexandre III. Le fantasme de «la Parisienne» (du nom du parfum qu’elle incarne) arrive ce jour dans un bar des grands boulevards en baskets et vieux blouson de cuir molletonné.
Pour en revenir à ce fameux «s'mi», c'était celui de son père, chauffeur-routier aujourd'hui à la retraite. Un jour, il a garé sans prévenir son engin devant l'école primaire pour venir chercher sa fille. «Il aurait sans doute adoré avoir un gros camion à l'américaine avec couchette et télé intégrée.?Moi pas» commente-t-elle en évoquant avec un sourire ce souvenir qui l'a marquée.
Après, son père montera une compagnie baptisée Marine transports. On sent que le sujet pèse lourd… Elle y reviendra plus tard, entre deux silences. Avec elle, la conversation prend parfois des tonalités fantomatiques. Elle parle peu, se tait souvent longtemps, se rectifie elle-même («il faut que j'arrête de dire ce mot "marrant", il est trop banal»), fixe régulièrement son interlocuteur droit dans les yeux mais impossible de savoir si elle est bien là, ou déjà recroquevillée dans ses p