L'admiration et la déférence que suscite la très discrète Suzy Menkes (n'était cette houppette, forcément remarquable), n'ont guère d'égal dans l'univers volontiers acerbe de la mode. «Fashion journalist» à l'International Herald Tribune depuis 1988, elle pourrait faire sienne la devise «sévère mais juste». Ses articles sont d'une précision absolue, sa mémoire est redoutable, et son écriture si tranchante qu'elle a reçu le surnom de «fashion picador». L'évocation des banderilles la fait sourire.
Elle reçoit dans son bureau largement vitré au siège de l’IHT, sis à Neuilly-sur-Seine, un matin de janvier, fraîche comme une rose. Voilà plus de deux décennies qu’elle chronique les défilés des semaines de la mode (masculine, prêt-à-porter, haute-couture), qui se déroulent dans les capitales de la fashion – soit presque quatre mois de caravansérail épuisant, entre Paris, Milan, New York et Londres.
Pas un show ne commence avant que madame Menkes, 68 ans, ne soit installée au premier rang, son notebook sur les genoux, un carnet de dessins (où elle croque quelques silhouettes) à la main. Toujours entre deux avions et trois podiums, elle couvre aussi les grands mouvements économiques du secteur, d'autres fashion week moins importantes, et coordonne les conférences «Hot Luxury» du Herald Tribune, qui rassemblent créateurs et patrons du luxe prêts à payer assez cher pour venir débattre, autour d'elle, de l'avenir de la mode, des technologies, de la stra