Il en va des nouveaux mouvements culturels comme des bulldozers. À peine débarqués, voilà qu'ils démolissent et ratiboisent tout ce qui existe et que l'on croit établi: bon ou mauvais goût, identités sexuelles, genres. Ainsi, depuis deux ans, sur le net, est apparu un style vestimentaire inédit, incarné par des adolescents éparpillés dans le monde entier, mêlant tout type de références et rangé sous une même étiquette: le seapunk, «punk de la mer». Un drôle de mot-valise à l'origine floue. Le terme viendrait peut-être d'un obscur groupe électro dont le nom correspondait aux éléments constitutifs de cette nouvelle allure: une inspiration aquatique alliée à la silhouette fragile et ambiguë des sales gosses de l'été 77. D'autres, plus sérieux, estiment qu'il date d'un message posté sur Twitter en 2011 par un DJ américain, Lil Internet, relatant son rêve de la veille: «Seapunk, un blouson de cuir dont les clous ont été remplacés par des crustacés».
Le mouvement est né sur la toile et le courant a beau être disparate, inquantifiable, il est lié au site de micro-blogging Tumblr. Selon Mathieu Buard, auteur et professeur, notamment à l'école supérieure des arts appliqués Duperré, «le média a créé le courant». L'architecture du site, sa manière d'empiler les contenus les uns sur les autres, est la base du maillage référentiel:«C'est le paradigme du collage, une superposition de strates. Le look du gamin seapunk est comme un fichier pdf, on ne peut pas dissocier