Installée sur un fauteuil doré dans la confortable torpeur du salon baroque de l'ambassade d'Italie, on a l'impression d'assister à une réunion de famille. Au premier rang, les clientes de Giambattista Valli choucroutées et laquées applaudissent quand une silhouette particulièrement délectable apparaît. Et il y a matière. Les élégantes robes noires et blanches aux imprimés animaliers (zèbre, guépard, crocodile) jouent les contrastes avec les volumes : taille serrée, jupe d'infante très courte devant, longue dans le dos. Celles de princesses, rose pâle, pailletées, brodées de fleurs, au jupon bien étoffé, arrachent des soupirs de désir aux aspirantes Peau d'Ane. Les dernières mannequins, toutes dotées d'une traîne spectaculaire, manquent d'engendrer quelques incidents, notamment lorsqu'une d'elles embarque, dans sa course, le sac, en alligator bien sûr, d'une spectatrice distraite.
Jadis fer de lance de la mode, la haute couture a peu à peu abandonné la créativité qui était la sienne (au profit du prêt-à-porter), tant la pauvreté de ses propositions, son décorum de princesse (souvent d'opérette) et son but même (habiller quelques centaines de richissimes héritières, parfois issues de contrées peu démocratiques), n'enthousiasment guère le spectateur - pour qui la fashion doit rester le lieu même de l'audace. Quelques designers, heureusement, osent encore. Raf Simons chez Dior. Et, hier matin, Karl Lagerfeld pour Chanel. Avec une précis