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Hardy, de pied en cap

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Il dessine des chaussures, follement désirables, pour sa propre marque et pour Hermès. Mais Pierre Hardy est aussi un ex-danseur, scénographe, illustrateur et professeur. Rencontre avec un designer hors mode et ultra moderne.
Pierre Hardy (Photo Adrian Crispin)
publié le 13 février 2013 à 15h08

La modernité, cet ensemble théorique et disparate, a ses professionnels, ses corps de métiers incarnant pendant un temps toute la complexité de l'époque. La faute aux magazines de mode, à la culture du tapis rouge, aux stratégies commerciales des marques et aussi à une série télé (Sex & the City), les chausseurs sont, depuis une vingtaine d'années environ, les fabricants du contemporain, faisant de leurs godillots des objets rêvés ou traités comme tels. Des moulages de corne, de bois et de cuir, qui par un fétichisme psychanalytique ont connu un glissement sémantique, transformant les noms propres en noms communs. Aujourd'hui, l'on ne parle plus de godillots ou de ballerines mais de ses Louboutin, ses Manolo et ses Jimmy Choo. Et, en parallèle, de Pierre Hardy: baskets montantes ou escarpins constructivistes, pièces d'orfèvrerie pour une clientèle de «bon goût», adepte d'un style très éloigné du clinquant et du tapageur.

Seulement, voilà. Pierre Hardy – l'homme, pas la paire de bottines – est gêné à chaque fois qu'il entend quelqu'un dire: «Je vais mettre mes Pierre Hardy». Et, au vu du succès de sa propre marque, fondée en 1999, et de sa collaboration avec le géant du luxe Hermès, entamée en 1990, l'on parie que la situation se produit souvent. Mais alors, le narcissisme, ou du moins la fierté, de voir son nom imprimé sur la devanture d'une boutique? Même pas. «Avec le recul, je me dis que j'aurais peut-être dû choisir un autre nom pour ma griffe.»<