Disons que vous êtes joaillier de la couronne d’Angleterre. Et que la reine vous demande, pour son jubilé, de lui reconstruire un petit quelque chose, comme la couronne d’Henri VIII, laquelle fut cassée en morceaux, fondue et vendue en pièces détachées après la décapitation de Charles Ier en 1649. Où trouver la centaine de pierres – saphirs, émeraudes, rubis, spinelles – qui ornent son pourtour? L’homme à qui confier cette délicate mission ne se nomme pas Bond mais Clutterbuck. Guy Clutterbuck. Aventurier anglo-irlandais de 53 ans, toujours en partance pour le Sri Lanka ou la Birmanie, il sillonne la planète à la recherche de pierres de couleurs.
Les initiés d'un milieu ultra-cachottier se repassent son nom d'un air entendu, glissant au passage une anecdote sur sa traque d'émeraudes en Afghanistan. Contacté par email, Guy Clutterbuck accepte de se prêter à une interview, parce qu'il a trouvé la demande «très polie», et parce qu'il est dans les parages, enfin pas trop loin. Rendez-vous est donc donné, un froid dimanche de mars, à son gentlemen's club de Londres, l'ultra-select Royal Automobile Club, qui sert de poste restante, on l'apprendra, pour les chèques qu'il reçoit lorsqu'il voyage.
On s'attendait à trouver un clone de Michael Douglas dans à la poursuite du diamant vert, barbe de trois jours et chique aux lèvres, mais l'accent est celui des public schools anglais (il est passé par la Charterhouse School) et le look celui d'un prof d'Oxford – pull bleu m