Le luxe est polygame. Il n'en finit pas de célébrer ses propres noces avec d'autres univers. Au début des années 2000, il y eut le mariage définitif de la mode avec l'art contemporain, l'avalement de la musique ou encore des incartades retentissantes vers l'architecture ou le design. Mais, il restait, dans l'étalage du supermarché culturel, un rayon qui avait plutôt échappé aux griffes dorées : la littérature. Récemment, l'idée a pourtant germé chez les stratèges de la communication du luxe : se positionner sur le secteur littéraire, en faire un objectif de brand content, littéralement «contenu de marque». Très en vogue, l'expression désigne les opérations par lesquelles une griffe diffuse un discours, le maquille en lui ôtant tout aspect publicitaire apparent, et se présente comme un organisme culturel.
Un Concours. Ainsi, le 23 octobre à New York, Prada installait «un théâtre de conversation et d'échange» , calqué sur le modèle d'un salon littéraire classique, dans son magasin amiral réaménagé. Devant les invités (dont Jay McInerney et Jonathan Ames), étaient décernés les prix d'un concours littéraire, le Prada Journal, organisé en partenariat avec l'éditeur italien Giangiacomo Feltrinelli. Les lauréats avaient rédigé un texte, répondant à cette question : «Quelles sont les réalités que nos yeux nous renvoient ? Et de quelles manières ces réalités sont-elles filtrées à travers des lentilles ?»