Historien d'art spécialisé dans la mode, Olivier Saillard, 47 ans, est le directeur du Palais Galliera et le commissaire de l'exposition.
Quelle place occupe la haute couture dans la mode française de l’après-guerre ?
Au début des années 50, pour se vêtir, il y a trois options : la haute couture, réservée à quelques privilégiées, dont les prix équivalent peu ou prou à ceux du prêt-à-porter de luxe aujourd’hui ; la confection, peu amène et sans raffinement ; et le système des patrons diffusés dans les ouvrages spécialisés. En 1950, il y a l’expérience des «Couturiers associés», une tentative de la part de Carven, Dessès, Paquin, Fath et Piguet d’éditer à prix modestes quelques modèles distribués dans les magasins de province, mais elle tourne court suite à la pression de maisons de couture scandalisées par ce procédé… Dix ans plus tard, la donne a changé, l’avènement du prêt-à-porter est inévitable. Les années 50 marquent la fin du règne de la haute couture.
Comment expliquer ce retournement de situation ?
Paradoxalement, grâce aux médias, les années 50 sont l'occasion d'un formidable mouvement de démocratisation de la haute couture. Les couturiers saisissent l'opportunité que leur offre la presse de les surexposer - à l'exception de Balenciaga, hostile à toute manifestation publique. Paris Match dévoile des petits scandales, s'amuse à entretenir des rivalités, oppose le secret et intime Christian Dior, qui joue le rôle de champion, à Jacques Fath, rieur et familier, qu'on décrit comme le challen