Ces jours-ci, les showrooms des marques de mode se piquent d’une frénésie annuelle, celle du Festival de Cannes et se passionnent pour la question de savoir quelles actrices apparaîtront sur les marches avec telle robe ou tel accessoire. Un suspens impensable pour la créatrice française Bouchra Jarrar, nommée membre permanent du calendrier de la Haute Couture en décembre dernier.
La styliste de 43 ans confie : «Une comédienne qui veut porter mes vêtements, il faut qu'elle vienne, qu'on discute, boive un café. Je dois comprendre pourquoi elle viendrait me voir, moi et pas quelqu'un d'autre.» Chez Jarrar, il n'y a pas de fantasme de se retrouver braquée par un projecteur blafard, ni l'envie d'habiller une femme précise : «Je n'ai pas d'égérie. Je suis claustrophobe, je refuse de m'enfermer dans un prisme.»
Cannes, justement, elle y est née, en novembre 1970. Mère au foyer, père artisan, immigré du Maroc dans les années 50, qui a « construit les plus belles villas de la côte ». Elle a vu le festival, et son cortège de créatures pailletées, de très loin. « Cette lourdeur ne m'a jamais enthousiasmée. » Est-ce la surdose de clinquant qui l'a guidée vers l'épure audacieuse de sa mode, ce déluge d'étoffes précieuses façonnées de manière faussement légère ? Peut-être. Entre-temps, il y eut un déménagement à Paris, pour intégrer l'école Duperré (« publique et gratuite, c'était important »), quelques années passées aux côtés de Nicolas Ghesqui