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Bettina, égérie de l’apprêt-guerre

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Dans le tourbillon de la haute couture des années 50, la fluette mannequin française, muse de Jacques Fath et de Givenchy, s’imposait en une des magazines. A 89 ans, l’icône du New Look, à qui la galerie Azzedine Alaïa rend hommage, porte un œil acerbe sur la mode actuelle.
Bettina par Georges Dambier, à Paris en 1953. (Photo Georges Dambier)
publié le 7 novembre 2014 à 18h46

«Simone Bodin n'a jamais existé. Dans le métier, on ne m'appelait que Bettina.» Ainsi répond la femme de 89 ans quand on l'interroge sur son nom. Née Simone Bodin, rebaptisée Bettina par le couturier Jacques Fath en 1947, elle fut sans doute la première mannequin que les Français nommèrent par un prénom. Après la Seconde Guerre mondiale, on n'y échappait pas, elle était omniprésente dans les médias, immortalisée par Erwin Blumenfeld et Irving Penn, annonçant la starification future des top-models.

«J'ai travaillé avec tellement de photographes, ça donne le tournis, se souvient-elle quand on la rencontre à Paris, à l'occasion d'une exposition que lui consacre Azzedine Alaïa dans sa galerie. "Clac, clac", faisaient les appareils photo. Enfin, ça dépend avec qui. Henri Cartier-Bresson, c'était plus petit : "tchic tchic". Irving Penn, il était exigeant, exigeant… Une fois qu'on avait trouvé la pose - et pas toujours la plus confortable -, il ne fallait plus bouger. Il me faisait un peu peur mais ses photos étaient magnifiques. Henry Clarke jouait au metteur en scène, comme au théâtre.»

«Le sentiment que tout était possible»

Sur les photos d’Irving Penn, l’œil est happé par le point de fuite, la taille marquée de Bettina, symbole du New Look qui se détache d’un fond brumeux. Gordon Parks la saisit de profil, le corps en équilibre instable, buste en avant et mollets en arrière. Chez Horst P. Horst, son tailleur noir se découpe comme une ombre chinoise tandis que Robert Doisneau la fait poser en