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Libération
Collections homme printemps-été 2016

Fashion week: la cool heure

Exit le classicisme, au profit des couleurs et d’une décontraction pimpante.
Hermès (Photos Ulrich Lebeuf. Myop)
publié le 29 juin 2015 à 18h56

S'agit-il d'un signe de reprise ? Ou d'un bouleversement des canons de l'élégance ? En tout cas, les collections qui ont défilé de mercredi à dimanche ont prouvé qu'en termes de mode, y compris masculine - traditionnellement plus frileuse-, le classicisme n'est plus ce qu'il était. Les créateurs envoient des électrochocs de couleur sur leurs mannequins, s'amusent à les dévergonder, à titiller leur virilité. Ainsi de la pièce la plus récurrente : le petit blouson de soie, brodé ou imprimé, comme un écho lointain à celui, orné d'un scorpion, de Ryan Gosling dans Drive. Chez Louis Vuitton, Kim Jones le pare de chinoiseries. Pour Loewe, Jonathan Anderson le fait peindre au spray, comme un graff, dans une collection qui évoquait l'apparition de l'univers pop dans le Japon de l'après-guerre. Chez Dries Van Noten, une photo de Marilyn est imprimée en gros plan. Chez Saint Laurent, il se pare de palmiers.

Ce blouson léger, fluide et coloré a quelque chose de symptomatique. De quoi ? Du fait que l'allure du moment n'a vraiment plus rien à voir avec le combo costume-cravate. Cette dernière était d'ailleurs portée quasiment disparue, remplacée par des petits foulards de soie noués au ras-le-cou. Une préciosité, très androgyne, a ainsi traversé les collections. Chez Acne, ce furent des robes-pulls moulantes bleues ou vertes allant sous le genou, assez similaires aux jupes aperçues sur les gaillards très bien gaulés de Givenchy. Chez Etudes Studio, la capeline se révélait transgenre de façon idoine. Comme l'ont montré les meilleurs des habilleurs, le tailoring vit aujourd'hui au régime street et casual, y compris chez Berluti, où la couleur pétaradait, pour une allure paradoxale de trader nonchalant et adulescent.

Francesco Smalto est mort en avril, Nino Cerruti (84 ans) est exposé dans un musée à Florence. La relève des tailleurs modifie les formes de la veste pour la rendre plus souple, transforme le pantalon à pinces en jogging. Ce qui compte aujourd’hui, pour une petite marque indépendante comme pour un mastodonte financier, c’est l’obsession du cool.

Hermès, avis de fraîcheur

Offrir des fleurs à un homme est peu ou prou passé dans les mœurs, et Véronique Nichanian, qui les aime à l’évidence (les hommes, et sans doute les fleurs), l’a fait avec sa justesse habituelle, au cœur d’une collection très fraîche malgré le faste potentiellement écrasant des matières. On est par exemple resté en arrêt devant les blousons tricolores en serpent d’eau ou les pantalons souples comme des joggings, faits d’une peau légère comme de la soie. Au plan chromatique, entre vert d’eau, chlorophylle, tomate et brique, il y avait de quoi enflammer le versant plus classique de la palette (marine, ciment, noir, gris).

Givenchy, épines et pin-up 

La plupart des silhouettes de Riccardo Tisci s’inspiraient de l’uniforme du prisonnier, parfois de façon assez littérale, avec des combinaisons monochromes et des grosses clés de geôlier pendues autour du cou. Une image revenait, celle du Christ avec sa couronne d’épines, icône dupliquée sur des tee-shirts, des pantalons, des shorts. Quelques mannequins à moitié dénudés, provoquant un autre genre d’adoration, venaient détendre l’ambiance carcérale.

Dior, street pas strict

«En tant que Belge, j'aime regarder la bourgeoisie parisienne», nous confiait Kris Van Assche à l'issue de son défilé. Sur une scène fleurie, le créateur a montré ce qu'il sait faire de mieux : marier le tailoring et l'esprit streetwear. Des zips couvrent les pantalons, les sous-pulls entremêlent du camouflage et motifs Argyle. Tout le talent de KVA, avec une sérénité rare.

Paul Smith, fourmis dans les jambes

En s’appuyant sur une base sobre (une veste grise par exemple), Paul Smith applique des couleurs vives. Quand il ne joue pas avec les teintes, l’Anglais aime disséminer son humour dans les détails. La fourmi est un motif récurrent, une petite colonie en badges posés sur un veston, ou un gros imprimé sur un pantalon. Quant aux costumes, coupés dans une matière brillante pour rock star plus que pour banquier, ils sont très raccord avec la bande-son fédératrice qui dépote, des Kinks aux White Stripes. Difficile de ne pas adhérer.

Lanvin, irrégularités étudiées

Chez Lanvin, on ne change rien, ou presque. Lucas Ossendrijver (appointé pour les collections homme en 2006) est devenu spécialiste des silhouettes élégantes et rafraîchissantes, oscillant entre tailoring et inspirations techno (baggys, débardeurs, couleurs fluos). Cette saison, le Néerlandais a placé le curseur au centre, avec une collection streetwear chic, rajeunie par des vestes asymétriques ou non finies.

Photos Ulrich Lebeuf. Myop