Menu
Libération
Fashion Week

La haute couture façon rêve virtuel

Douze marques ont contribué ce lundi à la première semaine de la mode entièrement digitale. Dont Iris van Herpen et Dior, oniriques chacune à sa façon.
(Photo Dior. Montage Libération)
publié le 6 juillet 2020 à 20h20

Toujours royale, «la panthère noire». Ce lundi matin, en tee-shirt floqué d'un fier «Phenomenally black», la diva britannique Naomi Campbell, star des podiums des années 80, a donné le coup d'envoi des défilés haute couture automne-hiver 2020-2021 après avoir mis les pieds dans le plat de l'actualité. «La lutte pour l'égalité et la diversité est depuis longtemps en cours dans la société et dans la mode. Aujourd'hui, en 2020, il reste encore beaucoup à faire. […] Le mouvement Black Lives Matter a récemment prouvé à travers le monde qu'il y avait urgence. […] Le temps est venu de construire une industrie plus équitable. Il est aussi temps d'inclure tout le monde de manière permanente, et non pas par effet de mode. Il est temps d'avoir des discussions avec les minorités de tous les pays et toutes les cultures.»

L'atmosphère du côté des créateurs qui se frottaient pour la première fois à une présentation 100% digitale, était bien plus ouatée. Les vidéos (visibles en ligne sur le site de la Fédération de la haute couture et de la mode) attestaient le confinement subi, la création sous cloche, l'effort pour échapper à la mise entre parenthèses forcée. Douze marques étaient en lice ce jour : Schiaparelli, Ulyana Sergeenko, Iris van Herpen, Maurizio Galante, Christian Dior, Maison Rabih Kayrouz, Ralph & Russo, Azzaro Couture, Antonio Grimaldi, Xuan, Giambattista Valli et Georges Hobeika.

Recherche technologique et artisanat

On retiendra trois approches. Chez la Russe Ulyana Sergeenko, la vidéo tient du reportage, des ateliers de broderie à un kaléidoscope de silhouettes qui confirme son créneau glamour : un bataillon de vamps en plein empowerment, hommage aux stars des années 40-50 qui apparaissent par des images d'archives – Marlene Dietrich, Joan Crawford, Rita Hayworth…

A l'inverse, c'est le minimalisme qui prévaut chez Iris van Herpen : un court film, une seule pièce, une seule mannequin. Mais les deux sont exceptionnelles : la robe est une stupéfiante sculpture blanche brodée d'arabesques blanches typique de l'alliage entre recherche technologique et artisanat qui caractérise le travail de la créatrice néerlandaise, et la mannequin est Carice van Houten, aka Melisandre, aka «la Prêtresse rouge» dans la série Games of Throne. L'ensemble est conceptuel, beau et mystérieux, comme toujours chez Iris van Herpen, qui annonce travailler ces temps-ci sur la réalité virtuelle pour son prochain défilé. Elle le souhaite physique car «en termes d'émotion, rien ne peut rivaliser».

Photo Iris Van Herpen, montage Libération

Nymphes et sirène

Dior convie pour sa part à un rêve bucolique, via un film de quinze minutes réalisé par Matteo Garrone (Gomorra, Dogman, Pinocchio), compatriote de Maria Grazia Chiuri, la patronne des collections femme depuis 2016. On part d'un atelier, hommage à l'artisanat d'exception qui prévaut dans la haute couture pour arriver dans un jardin enchanté (d'Eden ?) où se croisent des nymphes, une sirène, un faune, un Narcisse, une femme coquillage, une femme statue… Le passage de l'autre côté du miroir s'opère via un vestiaire miniature transporté dans une malle-maison de poupées portée par des grooms. Organza, gaze, satin, pour des robes péplums, robes toges, tailleurs drapés : c'est une ode classique mais charmante à la haute couture, réaffirmée comme un rêve à rebours du cauchemar ambiant.

Photo Dior, montage Libération