Si l'on secoue une dizaine d'albums rap français récents, quelsmots, quels discours en tombent dont on puisse à notre tour faire la chronique sans craindre d'en perdre, par la transcription d'un art voué à une parole en feu, à la fois le sens (souvent contradictoire) et la manière (toujours propre à chacun)? Ensuite quel usage peut-on faire du contenu le plus explicite de ces textes qui en tout état de cause menacent l'auditeur, quand ils ne le nient pas purement et simplement (les femmes et les pédés par exemple)?
Ces paroles nous mettent au pied du mur, face à des problèmes connus de tous (crise, violence, dénuement matériel et moral) mais auxquels les rappers redonnent une forme apte à scandaliser («bourgeois outrés / bonne morale bafouée» Fonky Family) et à réveiller des consciences que l'Etat cherche à endormir: «J'estime qu'il est important de resituer / le monde d'enculés dans lequel on se voit obligé d'évoluer» (Idéal J).
Dans cette musique agressive, ponctuée d'insultes («bâtard», «blaireau», «putain», «connard», «pédale», «trouduc»"), d'onomatopées, et de formules décourageantes («cherche pas à comprendre»), un espace est construit qui est une gigantesque injonction à capter des récits sur le monde tel qu'il va et ne va plus, à penser par soi-même, à entendre ses propres angoisses, à se révolter, sans jamais s'identifier au(x) chanteur(s), plutôt à son énergie, son «débit» de parole. «Les miens», «mon clan», le «posse», «my people», la «mifa», «les collè