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Portrait

Violence, non-violence: deux visages du hip-hop américain C. Mohammad, la pastorale

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Civisme et médiation: le «prêcheur hip-hop» joue l'apaisement.
publié le 26 janvier 1999 à 23h19
«I am the hip hop minister» (Je suis le pasteur hip-hop). A 34 ans, Conrad Mohammad, longtemps intercesseur entre le leader noir Louis Farrakhan et le monde du rap, a décidé de faire de son sobriquet son slogan. Après avoir coupé les ponts, l'an dernier, avec son organisation The Nation of Islam, il entend mobiliser lui-même l'énergie du mouvement hip-hop. Orateur brillant, il n'arbore plus le noeud papillon des disciples de Farrakhan mais porte un costume sombre et un pull à col roulé gris. Il a aussi nettoyé son discours des relents haineux et antisémites de son ancienne chapelle. Après avoir quitté la mosquée historique n° 7 de Harlem où, sur les traces de Malcolm X et de Louis Farrakhan, il avait atteint le sommet, il s'est inscrit à Harvard où il préparera l'an prochain un diplôme de la J. F. Kennedy School of Government. Pour la «génération hip-hop», il entend créer une force politique nouvelle. Dans ce but, il vient de fonder à Harlem une discrète organisation (Chhange [1]) qui organise l'inscription des jeunes sur les listes électorales et compte présenter en 2001 des rappers aux élections locales.

«J'aime aussi d'autres musiques, dit-il. Mais j'appartiens à la génération hip-hop, voilà ce qui est important.» Sa rencontre avec le rap date de son arrivée à New York, en 1989. Dapper Dan's, la boutique du premier couturier hip-hop, faisait face à sa mosquée. «Il y avait là une foule incroyable. Nous nous demandions comment les faire venir chez nous!» Le sésame fut Public Enemy avec qui Conrad Mohammad organise un concert dans sa mosquée puis un autre à l'Apollo Theater. «Enorme succès!» Ce n'était que le début: après Harlem, ce fut le Bronx, puis Brooklyn. Bientôt, toute l'Amérique! Le rapprochement, dit-il, comblait un vide. «Les rappers n'allaient pas à l'Eglise! J'avais leur âge, je suis devenu leur pasteur officieux: ils venaient écouter mes sermons, je célébrais leurs mariages. Et, surtout, quand ils s'embrouillaient, ils me demandaient d'intervenir.» Ce rôle de médiateur devint alors sa spécialité. Il ne l'a pas abandonné aujourd'hui. Après le tabassage du rédacteur en chef de Blaze par un des producteurs attitrés de Puff Daddy qui lui reprochait d'avoir publié une information confidentielle, il est intervenu, l'automne dernier, sur le terrain miné des rapports entre rappers et journalistes. Pour «enrayer cette folie», il est entré en contact avec chacune des parties et n'a reçu que des réponses favorables.

La flambée de violence du milieu des années 90 est encore présente dans les esprits et personne ne souhaite repasser par là. L'arrivée aux affaires du Californien