Lorsque Rachid Taha glisse dans son album de 1993 la chanson Ya Rayah (le Partant), certains sourient devant cet hommage rendu par un fils de l'immigration algérienne à Abderrahmane Amrani, dit «Dahmane el-Harrachi», chantre oublié de cette communauté. Le succès était inattendu, jusqu'à voir Ya Rayah devenir le tube international qui relance la carrière du «rockeur» de Lyon, en figurant (à nouveau) en ouverture de son dernier album Diwan. Taha : «Dahmane fait partie des rares chanteurs maghrébins qui m'ont accompagné depuis l'enfance, depuis mon arrivée en France. Sa pudeur, son radicalisme et une certaine manière d'être fêtard : on partage une même sensibilité.»
Génération des pères
On croyait fini le temps des pères qui avaient brûlé leur jeunesse à Barbès, entre exil, guerre d'Algérie et usines. El-Harrachi avait tourné la page, quitté ce monde sans avoir eu le temps de jeter sur sa vie un dernier regard. Ceux qui l'ont vu ce soir-là du 31 août 1980, dans le cabaret où il se produisait face à un public qui n'était plus celui des ouvriers qui avaient fait sa gloire, ignoraient que c'était la dernière fois. Sur la corniche ouest d'Alger, ce fut l'accident tragique, en sortant de chez Sauveur à la Madrague, où il allait manger des crevettes et pouvait croiser les Philippe le Dingue, Rachid le Boeuf, Salah Vespa et autres voyous de Barbès rentrés au pays.
Dahmane el-Harrachi était comme les beaux mecs du nord de Paris : même costard-cravate l'hiver et bleu Shangh