Dans l'amphithéâtre de l'Opéra-Bastille, une centaine d'enfants et d'adolescents remâchent leur anxiété. Dans un instant, ils porteront sur les fonts baptismaux le premier opéra du violoniste jazz Didier Lockwood. Dernière consigne de leur chef de choeur, Scott Alan Prouty: «S'il vous plaît, pensez à cracher vos chewing-gums"» Perplexité souriante des spectateurs peu après, quand des voix d'archanges, ciselées par Lockwood, élèvent aux nues du Georges Perec, avant d'arpenter son monde sur le mode jazz, rock, rap ou chant grégorien.
A l'origine de «Brundibar». L'ironique mélange des genres doit beaucoup à une belle rencontre: celle de Charlotte Nessi avec l'auteur des Choses. A la tête de la compagnie Justiniana de la région Franche-Comté, cette aventurière de la scène lyrique est tombée sous l'empire du Journal d'un usager de l'espace de Perec en 1987, après avoir monté Der Jasager (Celui qui dit oui) de Kurt Weill et Bertolt Brecht (repris en 1991 avec plus de mille enfants choristes à l'Opéra de Montpellier). Adepte des chemins non balisés, Charlotte Nessi a mis en scène une première version du texte avec le compositeur André Litolff, écrite pour dix enfants et quatre musiciens de jazz. Douze ans plus tard, elle est revenue à Perec en entraînant une partie des jeunes choristes qu'elle avait fait chanter l'an passé dans une autre création un peu folle: Brundibar, opéra tchèque né pendant la terreur nazie dans le ghetto juif de Theresienstard (Libération du 2