Diction précipitée, gestuelle brusque, regard mobile, tout chez lui évoque l'idée que l'on peut se faire de l'Homme pressé. D'ailleurs ne confesse-t-il pas, d'entrée, vivre à cent à l'heure et lutter contre le temps: «Je suis tellement curieux, affamé, je voudrais apprendre, découvrir, aimer, faire tant de choses que le temps ne permet pas.»
Seulement, à la différence du héros aux abois de Paul Morand, Michel Legrand, même lorsqu'il sillonne Paris au guidon de son scooter adolescent, ne cavale pas en vain. Avec plus de 150 musiques de film à son actif, trois oscars, cinq Grammy Awards, quantité de disques et de chansons, il présente au contraire un bilan plutôt impressionnant. Qui, paradoxalement, le laisse presque indifférent: «Je ne possède aucun de mes enregistrements. C'est posthume (!). Je ne peux plus rien y faire. Je préfère essayer un costume neuf.»
De son enfance passée à Bécon-les-Bruyères, ce résident suisse («à cause des montagnes, des lacs, de la pêche et de l'isolement; je gagne bien ma vie, mais je ne suis pas aussi riche qu'on l'imagine») a conservé une pointe d'accent banlieusard et une sainte horreur du mode de vie à l'américaine, lui le seul musicien français à qui les Etats-Unis ont toujours fait les yeux doux: «Je m'y suis installe trois ans, en 1966, mais je ne peux pas vivre là-bas. Sur le plan professionnel, c'est formidable, je n'ai pas le sentiment, comme en France, d'être considéré comme un saltimbanque, mais ça manque de fantaisie, de culture, de nu