Le timing est impeccable. Peu après minuit, dans la soirée de samedi, quand le public se masse enfin à chaque étage du Palais omnisports, le Saïan Supa Crew, collectif hip-hop parisien, vient valider la rumeur qui l'annonçait comme le phénomène live d'un renouveau rap français. Dans un gymnase chauffé à blanc, ils décrochent à l'arraché la palme de ces 21es Transmusicales, qui ont placé pour la première fois le rap au coeur de leur programmation.
Le succès leur vient d'autant plus naturellement que, pour les six membres du Saïan, le festival a débuté longtemps avant l'entrée en scène. Il n'y a chez eux qu'une intangible limite entre la vie et le spectacle, et ils ont commencé par se faire un public de tous ceux qu'ils croisaient aux abords du Palais, piratant drôlement les conversations par leur sens déconcertant de la tchache, laissant libre cours à leur goût de l'impromptu et détournant chaque péripétie de la vie de festivalier (comme ce téléphone portable qui se met à sonner au beau milieu de leur conférence de presse et fournit illico l'occasion d'une séance de percussion vocale calée sur la tonalité). A la tombée de la nuit, dans la bruine et le froid, ils organisaient ainsi leur battage en improvisant au milieu de l'esplanade un show a capella pour une quarantaine de curieux avec autant de coeur qu'ils en avaient six heures plus tard pour faire s'époumoner un millier de spectateurs.
Torse nu. Tout peut sembler spontané dans la prestation festive du Saïan