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Libération
Critique

Lady Joni Mitchell

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L’album «Both Sides Now» revisite avec majesté le répertoire des grandes voix américaines.
publié le 7 mars 2000 à 23h01

Pour dire l’oubli dans laquelle on la tient, Joni Mitchell affirme qu’elle a été «excommuniée des ondes». On a cessé de l’entendre à la radio à la fin des années 70. Elle en fut considérablement blessée et vit depuis une guerre larvée contre le métier de la chanson. «Je suis un peu amère, confiait-elle au magazine Rolling Stone en 1998. Je me sens sous-estimée. Pour l’industrie du disque, je suis morte depuis vingt ans. […] C’est frustrant de vouloir produire une musique intemporelle dans un monde que ça rend méfiant et qui n’a que le mot “prétentieux” à la bouche.» Ces jours-ci, pour tordre le cou à sa réputation de «Dylan au féminin», la chanteuse des prairies du Saskatchewan affirmait à la télévision canadienne qu’elle n’avait été une «artiste folk qu’entre 1963 et 1965» et qu’elle se sentait plus liée aux destinées de Miles Davis et d’Edith Piaf qu’à celles de Gordon Lightfoot ou Leonard Cohen.

Tourmentée. La chanson est un genre qu’elle a toujours voulu faire exploser. Du temps de Woodstock, on l’entendait dire qu’elle souhaitait écrire comme elle peint, qu’elle se sentait aimantée par les formes les plus libres («J’ai toujours été une inclassable»). C’est ainsi qu’en 1979, elle partit trouver sur son lit de mort mexicain le difficile Charles Mingus, qui lui reconnaissait «le sens de l’aventure», et elle enregistra sur la musique de celui-ci un album qui a dérouté pour de bon public et programmateurs. Quinze