[Le compositeur Pierre Boulez est mort ce 6 janvier 2016. Nous republions une interview qu'il avait accordée à Libération en 2000]
Arrivé à Paris en début de semaine, pour répéter Pli selon pli composé il y a quarante ans, Pierre Boulez a une heure d'avance, «ayant terminé la répétition plus tôt que prévu». Pragmatique, attaché à la notion de métier, les opinions tranchées, il a toujours dérangé. En lui coexistent le révolutionnaire et le compositeur-chef dans la grande tradition. Ses Debussy, Bartok, Ravel, Stravinski, Mahler ou Webern ont prouvé qu'il ne se réduisait pas à la seule exactitude analytique. Son allure et sa voix l'ont épargné du pathos de la maturité.
Né le 26 mars à Montbrison (Loire), ce fils d'industriel se destinait à Polytechnique. Trois quarts de siècle plus tard, il est en tournée avec le London Symphony Orchestra à un rythme de rock-star: avion, hôtel, répétitions, ville différente tous les trois jours. Les nuits off se passent en studio, à achever ses Notations, collaborer avec des metteurs en scène d'opéra singuliers (Chéreau, Bausch, Nordey), suivre les activités de «ses» Institut de recherche et création acoustique et musicale (Ircam), Ensemble intercontemporain, et Cité de la musique qu'il a suscitée.
A l'heure d'une Quatrième de Mahler, d'une troisième version des Symphonies d'instruments à vents, d'une Symphonie en trois mouvements et d'une Symphonie des Psaumes de Stravinski pour Deutsche Gramophon, Pierre Boulez reçoit dans sa loge à la Villet