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Libération
Portrait

Ennio Morricone Staccatoviste

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Ennio Morricone, 72 ans, forçat-diva de la musique de film, ouvre le Festival de Cannes à la sauce Vatel.
publié le 11 mai 2000 à 0h29

Un jour, le maestro a parlé français. C'était à l'hôtel Intercontinental de Paris, il enchaînait, de très mauvaise grâce comme d'habitude, les interviews pour une «ennième» compilation de musiques de films. Soudain, vacarme dans la suite, la porte s'ouvre, Morricone jette le journaliste dans le couloir. «Il m'a appelé Sergio Leone», fulmine-t-il, dans une volée d'imprécations bilingues.

Leone, Morricone, Leone, Morricone... La gaffe nouée dans la gorge, huit heures du matin, on pousse la lourde porte de son immeuble romain. Vues sur la pâtisserie blanche du monument à Victor Emmanuel II, et la rue des Boutiques Obscures. Une Porsche sous le porche, des statues, un escalier de pierre, un ascenseur de verre. L'édifice est à la hauteur du palmarès: 400 musiques de films (dont 6 seulement avec Leone), classées par metteurs en scène (54), de Almodóvar à Zeffirelli. La chronologie (23 bandes originales pour la seule année 1972), révèle Stakhanov au clavier. Les treize morceaux de Vatel, présenté en ouverture du Festival de Cannes, sont ses derniers, pas les ultimes: le maestro a averti qu'il travaillera jusqu'à sa mort. Et que le cinéma reste un divertissement, par rapport à son oeuvre classique, musique de chambre et pour orchestre (70 compositions). Deux entrées, on sonne, resonne, l'autre porte finit par s'ouvrir sur un petit homme soucieux, un doigt sur les lèvres, «il maestro sta telefonando, ma va bene». Trois minutes envolées sur l'agenda millimétré.

Le salon (80 mètres carré