Le 16 août 1977, Rémy Kolpa Kopoul, journaliste à Libération, était à Memphis. Son récit a été publié le 16 août 1982 à l'occasion du 5e anniversaire de la mort d'Elvis. Extrait.
«"Chauffeur, à Graceland !" J'ai lancé ça tel l'habitué qui compte sur la célérité du conducteur pour ne pas être trop en retard. "Mon vieux, l'accès est de plus en plus encombré. Ça fait bien cinq fois que je fais la course." Mon taxi est tout content de faire le guide à un étranger. "We're riding on Elvis Presley Boulevard." Un vrai capharnaüm, bagnoles larguées sur la moindre portion de trottoir, flics moulinant dans le vide pour tenter d'accélérer le trafic. Enfin, les murs de Graceland. Surprise : à part une petite concentration policière et des regards fixant les grilles, aucun signe de tension ni de mort. Avant de me larguer, le taxi m'affranchit. "Ça s'est bousculé tout l'après-midi pour voir le corps. Maintenant, c'est fini. Les gens sont allés casser la croûte. Il est rendu aux siens. Paix à son âme." Je me risque aux grilles, carte de presse en main. Autant d'effet que si j'avais présenté mon brevet de 50 mètres nage libre. "La visite est finie, finie." Deux heures plus tôt, ils étaient des milliers à implorer. Ces messieurs de la garde nationale ont dû être persuasifs. Il y en a partout, du peuple. Sur les trottoirs, les talus, dans les bars, les voitures. Ils pleurent en silence. Les stations à essence ont retiré le prix du gazoline pour inscrire à la hâte sur les panneaux lumineux : "El