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TRIBUNE

Eddy, ou l'utopie sceptique.

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Philosophe du quotidien, Eddy Mitchell décrit avec des mots justes l'ambivalence des hommes et leurs insatisfactions, sans renoncer à l'espoir.
publié le 16 juin 2003 à 23h23

Aujourd'hui, la philosophie se pratique d'abord dans le silence des bibliothè ques, devant sa table de travail ou dans les échanges argumentés des séminaires universitaires. Mais il y a aussi une autre philosophie, plus ordinaire, qui s'abreuve aux joies, aux inquiétudes et aux blessures de nos expériences quotidiennes. Une façon de poser des questions afférant au sens et à la valeur de l'existence en prise avec nos itinéraires bringuebalants. Le plus souvent, cette philosophie ordinaire est davantage implicite et métaphorique, moins construite et rigoureuse que la première.

Elle a toutefois l'avantage de jeter un oeil goguenard sur l'arrogance académique et ses prétentions à réformer nos vies à l'aune de normes idéales méconnaissant les fragilités de la vie. A l'écart des penseurs en chaire, la philosophie ordinaire se nourrit des sensations, des attentes, des déceptions et des interrogations en situation de la chair, en donnant une place aux tensions de la raison et des passions. En ce sens, Eddy Mitchell est bien un philosophe ordinaire. Son dernier album, Frenchy, en fait, une fois de plus, la démonstration.

Pour Eddy, la condition humaine, c'est plutôt une affaire compliquée. Point d'idéalisme anthropologique chez lui : les humains ne sont pas seulement dotés de sentiments louables, mais surtout de comportements ambivalents. Son ironie à l'égard de nos rapports avec les «interdits» en témoigne («J'aime les interdits/ Vraiment j'adore ça/ J'suis jamais déçu/ Par le jeu des