Quand on ressort de la Route de Memphis, on est tellement sonné qu'on ne sait plus ce qu'est le «blues». Oubliés, les clichés de The Soul of a Man de Wenders, on n'est plus à l'école. Plutôt que de redonner vie à quelques gloires 78-tours (Skip James, Blind Willie Johnson), Richard Pearce tente sensuellement, désespérément, d'approcher la pulsation du blues, ce qui bouge, ce qui danse.
Les chanteurs et les musiciens de ce blues urbain de Memphis sont plus ou moins usés, mais ils ne sont pas obligés, comme Lightnin' Hopkins, de lâcher leur guitare électrique et leur ampli pourris pour une guitare acoustique, plus conforme à la «noble» idée du blues que se faisaient les folkeux blancs des années 60. C'est sur un soul blues strident, dégénéré, brutal, qu'ils font danser les hommes et les femmes qui s'y frottent, noirs évidemment.
Travelos raciaux. Le blues, comme le jazz, est une musique de danse, ce que musicologues et amateurs ont refoulé. Il n'y a pas si longtemps, on chaloupait encore au son de Jr. Kimbrough, pur blues de campagne électrifié, dans son juke joint du Mississippi. Le blues servait à faire danser les nègres, c'est tout. Pour être assimilable, cette musique a dû se travestir, au risque de n'être plus que la musique imaginaire d'un homme noir tout aussi imaginaire, qui hurle à la mort quand sa fiancée le quitte et pactise avec le diable pour jouer plus vite que Hendrix.
Ne pas oublier les travestissements auxquels la petite bourgeoisie blanche a eu